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[FIPA 2017] Latifa, mère des enfants de la République

[FIPA 2017] Latifa, mère des enfants de la République

Le Festival International de Programmes Audiovisuels (FIPA) projetait mardi 26 janvier au Casino de Biarritz le documentaire « Latifa, une femme dans la République ». Le film concourt pour le prix du public. Un témoignage poignant.

Latifa parcourt la France pour promouvoir le vivre ensemble. (Crédit photo : DR)
Latifa parcourt la France pour promouvoir le vivre ensemble. (Crédit photo : DR)

Son nom ne vous dit peut-être rien, pourtant son histoire est connue de tous. En mars 2012, Imad Ibn Ziaten est le premier à mourir sous les balles de Mohamed Merah. Le terroriste demande à ce militaire parachutiste français de se mettre à genou. Il refuse et reste debout. Cela lui coûtera la vie. Mohamed Merah fera sept autres victimes, toutes issues de confessions religieuses différentes.

Depuis, Latifa Ibn Ziaten, la mère d’Imad et citoyenne française musulmane d’origine marocaine comme elle aime se décrire, est inconsolable. Suite à la mort de son fils, elle se rend personnellement dans le quartier où vit Mohammed Merah. Elle demande à des jeunes où il habite. Ils lui répondent que le terroriste est un martyr. Latifa n’en croit pas ses oreilles et discute avec eux. Ils lui parlent de leur vie, enfermée dans les ghettos, et de leur avenir incertain. Latifa décide alors d’agir. Plutôt que de transformer sa tristesse en haine, elle va la mettre au service de la jeunesse et du vivre ensemble. Elle décide de créer l’association Imad Ibn Ziaten pour la Jeunesse et la Paix. Elle passe d’établissement scolaire en établissement scolaire et raconte aux jeunes sa vie, son combat. Terrorisme, école, sentiment d’être rejeté par la société… elle répond à toutes les questions, sans tabou. Quand des jeunes de banlieue lui disent qu’ils n’ont pas d’avenir, elle explique qu’en travaillant on peut réussir à réaliser ses rêves. Elle est la preuve vivante que l’intégration est possible et que la religion musulmane n’est pas incompatible avec les valeurs de la République. C’est comme ça que Latifa parcourt la France entière. Elle n’hésite pas non plus à interpeller les parents, les professeurs et les politiques. Attentat après attentat, elle est toujours présente dans les médias pour parler du vivre ensemble. Latifa est infatigable.

Un documentaire comme une bouffée d’air

Latifa n’est pas seulement la maman d’Imad. À travers ce documentaire, elle devient aussi la mère de tous ces jeunes désorientés. La réalisatrice, Jarmila Buzkova, a su parfaitement l’illustrer. Les visages des jeunes sont captivés et souvent très émus. Latifa les écoute, et ils se confient à celle qui pour eux est pourtant une inconnue. Son instinct maternel rassure et dénoue les langues de ceux qui se sentent si peu entendus. Elle leur redonne l’envie d’avancer et de ne pas se laisser abattre. Mais la scène la plus poignante est sans doute celle dans la maison d’arrêt. Elle échange avec les détenus et se confronte sans crainte à eux. Il l’interroge sur la religion, elle défend l’islam de la République. Les avis divergent et le ton monte. Elle argumente toujours avec bienveillance. Tous les détenus disent ne pas vouloir manquer de respect à cette femme dont ils admirent le combat. Ils vont même jusqu’à la comparer à leur mère. Le moment paraît quelque peu surréaliste.

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Jarmila Buzkova et Latifa Ibn Ziaten lors de la projection au Casino de Biarritz pour le FIPA 2017. (Crédit photo : Laure Le Fur)

Jarmila Buzkova et Latifa Ibn Ziaten lors de la projection au Casino de Biarritz pour le FIPA 2017. (Crédit photo : Laure Le Fur)

Malgré un thème qui pourrait paraître anxiogène, ce film est une vraie bouffée d’air. Latifa arrive à nous redonner espoir dans une France prise pour cible par le terrorisme. Le documentaire est entrecoupé d’anecdotes qui laissent dessiner sur notre visage un sourire. C’est par exemple le cas lorsque Latifa raconte avec pudeur et des étoiles dans les yeux comment elle a rencontré son mari. Car si le film raconte le combat d’une mère après la mort de son fils, il parle aussi de la vie d’une femme. On suit le parcours de Latifa qui de sa jeunesse au Maroc à son arrivée en France à 17 ans, jusqu’à aujourd’hui, s’est toujours battue pour ce qui lui semblait juste. Un exemple à suivre.

À la fin de la projection, aucun doute, le documentaire a fait l’unanimité. Tous les spectateurs que nous avons interrogés saluent le courage de cette femme et son combat pour cette jeunesse perdue. En sortant de la salle de cinéma, un homme interpelle Latifa, « Madame, je voulais juste vous dire quelque chose. Merci d’exister ».

Laure Le Fur