Casanegra … Une ville croulant sous les déchets

Casanegra. Cet antonyme du poumon économique du Maroc, emprunté au film du même nom, est révélateur de la situation désastreuse dans laquelle se trouve cette capitale. La ville croule sous les déchets, en témoignent les différents postes d’internautes indignés, images à l’appui, pointant du doigt le phénomène.
Pour autant, la question se pose de savoir à qui incombe la responsabilité : est-elle l’œuvre d’un seul acteur, celui des autorités locales ou de la seule commune ? Ou est-elle au contraire partagée avec la population, victime d’elle même ?
Plusieurs acteurs en jeu
La collecte des déchets a été confiée par la Commune Urbaine de Casablancaà des entreprises privées spécialisées dans ces domaines, par le biais de conventions de délégation.
La gestion des déchets se faisant en deux parties, les sociétésSita Blanca (filiale du groupe Suez Environnement) et Averda Casa, respectivement française et libanaise, s’occupent de la partie consacrée à la gestion de la propreté de la ville. Tandis que la gestion des activités de traitement des déchets est déléguée à l’entreprise Maroco – Américaine, Écomed Casa.
Cette dernière est toujours en activité, alors que les deux premières ont jeté l’éponge : le gestionnaire délégué Averda ayant résilié son contrat avec la Commune portant initialement sur 7 ans, cette action qui intervient plus de 7 mois après le départ de Sita Blanca.
La Commune de Casablanca se retrouve donc, durant cette période transitoire où elle a lancé un appel d’offre pour de nouveaux contrats de gestion délégué. Elle doit faire face à un réel problème : gérer les 3.200 tonnes de déchets par jour produits par une population de 3 millions d’habitants. Les ressources, humaines et mécaniques, affectées à cet effet en temps normal s’élevant à pas moins de 4.500 personnes employées et plus de 300 équipements, rendent l’équation périlleuse.
L’incivisme co-responsable ?
Au-delà du départ des sociétés française et libanaise, il convient de souligner également le facteur sociétal qui joue un rôle énorme dans la préservation de l’environnement.En effet, les mauvaises habitudes des habitants, s’agissant du respect de l’environnement et desa propreté, demeurent profondément ancrées.
C’est donc tout un travail qui doit être fait au niveau de l’éducation à l’école pour sensibiliser les nouvelles générations, à défaut de la maison puisque les habitudes des adultes ont la peau dure. Ceci pourrait atténuer la prévalence de certains actes de vandalisme à l’encontre des différentes ressources mises en place par la Commune :les autorités locales ont remplacé les poubellesen plastique régulièrement voléesou détériorées par des conteneurs métalliques.
La notion même de bien public commun est semble-t-il étrangère aux marocains, pour qui la seule propreté de la maison est au centre de leur intérêt sans s’étendre à l’extérieur. Néanmoins, l’on ne passe pas sa vie entre le confort des quatre murs de sa maison.D’où l’importance que revêt le service de nettoiement de la ville et collecte des déchets qui s’étend aux espaces suivants : voie publiques, espaces publiques, jardins, plages, marchés et souks, ou encore la Medina.
Prise de conscience
Après avoir démontré que les responsabilités étaient partagées sur cette question environnementale pivot, nous ne pouvons que nous interroger sur les mesures concrètes mises en place pour contrer ce fléau. Aussi timides soient-elles, elles existent et témoignentd’une prise de conscience commune, puisque venant des différents partis prenantes de la société.
Initiée par la jeune chambre internationale du Maroc avec la participation du Secrétariat d’Etat chargé du développement durable, une campagne de nettoyage et de sensibilisationa ainsi été organisée à la forêt de Bouskourale 15 septembre 2018, à l’occasion de la célébration de la journée internationale du nettoyage.
A cette occasion, Nezha El Ouafi, secrétaire d’Etat chargée du développement durable, en a profité pour mettre l’accent sur « le rôle capital et majeur de la société civile pour faire aboutir les stratégies nationale dans le domaine de la préservation de l’environnement et des espaces publics ».
Concernant cette fois-ci le rôle répressif que peuvent jouer les autorités locales, on peut citer le lancement d’une police de l’environnement au Maroc, à Casablanca dans un premier temps, et Rabat depuis le 23 février 2017. Selonl’ancienne ministre déléguée chargée de l’Environnement, Hakima El Haité, cet organe est « chargé de la prévention, du contrôle, de l’inspection, de la recherche, de l’investigation, de la constatation des infractions et de la verbalisation prévus par les dispositions des lois relatives à l’environnement ».
La police de l’environnement, équipée en matériel professionnel et en véhicules légers et camionnettes pour réaliser son travail, est en plein droit d’affliger des amendes allant de 100 DH à 2 MDH pour des infractions diverses, qui peuvent être associées à des peines de prison selon leur gravité.
Ceci a le mérite de démontrer que des efforts sont réalisés à différents niveauxpour faire face au fléau de la pollution à Casablanca, parfois même en collaboration entre la société civile et les autorités.
Le bilan est encore sombre, les réseaux sociaux ne manquent pas de le dépeindre à juste titre chaque jour. Il est cependant en notre pouvoir, en usant de l’esprit de l’initiative et de la solidarité à travers les nouveaux médias qui émergent entre autres, de changer la donne. Et rendre à notre ville son glorieux nom d’antan de « ville blanche ».
Rania BELMEKKI