Ghellab «Echec du gouvernement à tous les étages»

- Les grands moteurs de l’emploi en panne
- L’argent et la religion, les deux polluants de la politique
- Il était l’invité de l’Ecole supérieure du journalisme et de la communication
Karim Ghellab impressionne. Entre la stratégie logistique, le paysage politique actuel et l’itinéraire propre, le jeune loup n’a pas fait dans la langue du bois. Circonstance oblige, Ghellab s’est même voulu pédagogue pour distiller ses messages, mercredi dernier, aux étudiants de l’Ecole supérieure du journalisme et de la communication (ESJC). Définition, schémas et objectifs chiffrés, ont jalonné son exposé sur le grand chantier de la stratégie logistique «que le gouvernement Benkirane peine à mener à bon port». C’est dur à réaliser, reconnaît l’ex-ministre du Transport, de l’Equipement et de la Logistique. Mais l’actuel ministre dispose de tous les moyens, à commencer par les instruments institutionnels et réglementaires. D’autant plus que la stratégie ciblait des gains de croissance substantiels: 5% du PIB en une décennie et autant en termes de baisse des coûts logistiques sur la même période. Sans oublier la création d’emplois estimés à 15.000 postes par an. Aujourd’hui, les quelques réseaux implantés dans la région de Casablanca sont à mettre à l’actif du privé.
En revanche, la métropole économique a vu les «externalités négatives» s’intensifier. A travers des bouchons, des accidents urbains et d’émissions de CO2. Or, la stratégie logistique prévoyait, pour le cas de Casablanca qui concentre plus de la moitié du commerce extérieur, l’élimination des gros camions de la circulation urbaine. D’où ce message adressé aux futurs lauréats de l’école de journalisme: «La presse doit contrôler et suivre les annonces des responsables politiques», dixit Ghellab.
Analysant le bilan du gouvernement, l’ex-président de la première Chambre du Parlement estime que «l’échec est consommé tant au niveau économique que social». La masse des chômeurs s’est renforcée de 100.000 personnes par an. Et les principales locomotives de l’économie comme le BTP, le tourisme et les investissements dans les infrastructures sont en panne. L’ex-président de la première Chambre du Parlement appelle aussi à un équilibre entre les projets et les propositions de loi. «Rares sont les propositions émanant des partis politiques ou des députés qui passent alors que tous les projets du gouvernement sont adoptés moyennant quelques amendements», relève-t-il. Mais au-delà, Ghellab ne cache pas ses ambitions. Ayant atterri dans la politique en tant que ministre, il veut également gagner ses galons de général à la tête du Parti de l’Istiqlal. Sa candidature au secrétariat général du parti aurait été déposée si le Congrès national avait eu lieu avant les prochaines législatives. Mais beaucoup de militants ont préféré le différer. Est-ce le profil de l’actuel secrétaire général? L’effet des dernières élections des communes et régionales? Ou simple règle de l’alternance démocratique? Même si Ghellab ne se prononce pas ouvertement, il livre les circonstances qui ont porté Hamid Chabat à la tête du parti. Mouvance du printemps arabes, nécessité de mettre fin à la mainmise des Fassis, mais «surtout le rapport de force: Chabat détenait les rênes du syndicat». Une situation que Ghellab veut mettre à plat grâce à son «art de marier la compétence et la légitimité politique».
Quant à la transition démocratique, son aboutissement est toujours aliéné par deux polluants: l’argent et la religion.
A.G. avec S.N.