
MASCARADE FINANCIÈRE
On peut parler de tout. De politique, de sexe, de religion. On peut s’indigner de la misère du monde, critiquer les puissants, débattre de l’avenir de l’humanité autour d’un café bien chaud. Mais parler d’argent ? De ses finances personnelles, de ses erreurs, de ses angoisses budgétaires ? Impensable. Mieux vaut encore avouer qu’on a voté blanc aux dernières élections.
C’est que l’argent, bien plus qu’un simple moyen d’échange, est une mise en scène. Il se donne des airs de respectabilité, se pare de faux-semblants, se cache derrière des apparences trompeuses. Chacun joue son rôle : les uns exhibent leur prospérité factice à coups de crédits bien placés, les autres cultivent l’austérité feinte d’une richesse qui n’a plus rien à prouver.
Dans cette grande comédie humaine, rares sont ceux qui osent lever le rideau sur l’absurdité du système. Yassine Redouane, lui, l’a fait. Ancien banquier reconverti en humoriste, il monte sur scène avec “Lui, Moi et Lflouuusss”, un one-man-show où l’on rit de nos illusions financières autant que de nos contradictions. Il dialogue avec son propre hologramme, un double numérique facétieux qui incarne ses erreurs passées et démonte, avec une ironie mordante, les pièges dans lesquels nous tombons tous : dépenses impulsives, quête insatiable d’un confort illusoire, fascination pour l’argent facile.
Mais derrière la légèreté apparente du spectacle, une vérité dérangeante se dessine. Nous nous racontons des histoires. Nous voulons croire que la richesse est à portée de main, qu’il suffit d’un coup de chance, d’un bon placement, d’un business en ligne miracle. Nous achetons l’illusion du contrôle, alors que nous sommes souvent les premiers à fuir la réalité de nos comptes bancaires.
Et si, au fond, l’argent n’était qu’un grand malentendu ? Un jeu où l’on se ment à soi-même, persuadés que l’essentiel est ailleurs… tout en courant après l’éphémère ?
Yassine Redouane en fait un spectacle. Nous, nous en faisons une vie.